L’interview de la maman reconfinée : Sarah Barukh, écrivaine

Un jour, une écrivaine, et non des moindres, m’écrit sur Instagram.

C’était durant le confinement, en avril. Depuis Sarah Barukh et moi sommes devenus des copines virtuelles mais nous avons fixé de prendre un café après la fin du monde.

Sarah est l’auteure de plusieurs romans à succès (Elle voulait juste marcher tout droit, Le cas zéro, Envole Moi) et sortira le prochain en mars ! Elle est aussi la maman d’une petite fille. Elle me dit tout, tout, tout ! (ou presque)

SERIALCV

Nom Barukh    

Prénom  Sarah

Age 40 ans

Situation de famille ? J’ai une petite fille Lalah, de 21 mois et je suis séparée de son papa.

Métier ? Ecrivaine, prof et deux-trois autres choses…

Lieu de reconfinement ? Paris !

SERIALQUESTIONS

Comment se passent tes journées en ce moment ? On ne me croira peut-être pas mais j’ai des journées de 43 heures ! Ma fille se lève très tôt donc j’attaque à l’aube et je jongle pour caler les rdv, les tâches domestiques, les travaux qui nécessitent une concentration immédiate et ceux où je me mets dans une bulle hors du temps, pour écrire notamment. Départ à la crèche, de la crèche, le trio dîner-bain-dodo de ma petite chérie et une fois qu’elle dort, je m’autorise 2h de glande à écouter des podcasts ou regarder des séries. Franchement, je ne sais pas comment les mamans de plusieurs enfants font. Vous avez mon respect le plus total !

Comment s’est passé le confinement numéro 1 ? C’était difficile. J’étais confinée dans les années 50, comme la plupart des femmes. Au départ, j’étais soulagée que le temps s’arrête, moi qui suis toujours angoissée de ne pas en faire assez ou assez vite… Mais cette idée de « je vais me recentrer sur l’essentiel, me concentrer sur ce que j’ai etc etc » s’est étiolée vers le 4ème jour, aux alentours du 16ème repas préparé et de la 42ème machine de linge !

Et celui ci ? A vrai dire le 1er confinement a eu des conséquences importantes dans ma vie. Je me suis séparée du père de ma fille, pas uniquement à cause de ça bien sûr, mais le huis-clos a eu un effet révélateur. Mon travail et mes projets en ont également pâti.

J’ai très mal vécu l’annonce de ce nouveau confinement. J’ai fait quelques crises de panique au départ à l’idée de revivre tout ça. Mais une fois encore, on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau…

Après on va dire que les éléments n’étaient pas tout à fait avec moi… : mes parents sont à risque et ne peuvent pas m’aider ni me voir, je n’ai pas eu de place en crèche à cause d’un bug de la mairie alors que je suis censée être prioritaire, je me suis cassé un morceau de cheville… Bref, j’ai eu la totale et je me suis sentie très seule.

Cela dit, quand je parle avec des proches et des moins proches, je me rends compte qu’on est beaucoup à subir psychologiquement les effets de cette année…

Le truc le plus inattendu que tu as fait depuis le début des confinements ? J’ai posté des versions stupides de chansons sur les RS et je prends des cours de gym sur zoom avec ma mère et son coach. Comme on ne se voit pas en vrai, on s’est créé ce petit rendez-vous.

Qu’est ce qui te manque le plus ? Je n’ai jamais été légère donc je ne vais pas dire un sentiment de légèreté au quotidien mais une forme de liberté peut-être.

Le premier truc que tu auras envie de faire après ? Emmener ma fille à Eurodisney.

Les 3 comptes IG et/ou FB que tu adores suivre depuis le confinement ? J’aurais bien dit le tien mais je le suivais déjà avant ! Au risque de paraître rabat-joie, je suis le compte IG Féminicide par compagnon/ex qui dénombre chaque féminicide et en explique les circonstances. Le confinement a été effroyable pour les femmes et les enfants maltraités, les violences ont explosé et je pense qu’il est essentiel d’en parler, de montrer ce que ça représente un meurtre tous les trois jours…

Et sinon je parle davantage avec les personnes que je suis et qui me suivent, plus que de m’abonner à de nouveaux comptes.

Tu es écrivaine. Parle nous des tes livres. J’essaie de raconter des histoires de personnes ordinaires qui sont confrontées à des situations exceptionnelles. Il y a toujours un fond historique ou social dans ce que j’écris. Je pense que tout a été traité, qu’on raconte toujours un peu les mêmes histoires au cinéma ou en littérature, ce qui change, c’est l’angle et la façon de relater, la singularité du regard.

Mon 1er roman racontait l’histoire d’une petite fille dans l’immédiat après-guerre, qui va devoir traverser le monde pour retrouver sa mère. Le 2ème racontait le dilemme d’un jeune médecin pour qui soigner est une raison de vivre, face au premier cas de SIDA en France au début des années 80. Le 3ème se focalisait sur le destin de deux femmes qui se sont connues enfants dans un quartier défavorisé de Paris, et qui peinent à mettre derrière elle ce qu’elles y ont traversé pour avancer. Quant au prochain, rendez-vous en mars pour le découvrir !

As tu un rituel d’écriture ? Pas vraiment. En réalité, d’une façon générale, les rituels me mettent la pression donc j’évite. (torturée vous avez dit ?!)

Des projets d’écriture en ce moment ? Oui ! Mon prochain roman sort début mars… Et je développe celui d’après.

Le confinement ça t’aide pour bosser ou pas trop ? Non, c’est même plutôt le contraire… Le 1er avec un bébé H24 c’était juste impossible, et aujourd’hui, la plupart des gens ont le moral en berne donc tout est ralenti, incertain, il faut beaucoup d’énergie pour compenser l’ambiance générale.

Tu organises une cagnotte pour distribuer des livres à des enfants/ado lors des périodes de Noël. Raconte-nous ! Oui j’ai appelé ça le Jingle Book, c’est une collecte de livres destinés aux plus démunis. Chacun écrit un petit mot à l’intérieur des ouvrages pour l’enfant ou l’ado qui va le recevoir. Le Secours Populaire se chargera de la distribution. Je voulais permettre à ceux qui en ont le plus besoin de découvrir tout ce qu’un livre peut donner, cet espace rien qu’à soi, ce monde des possibles, ces personnages qui nous accompagnent parfois toute la vie. Quant aux dédicaces, c’est une façon de créer du lien humain dans le lien de la lecture, la preuve que quelqu’un a pensé à toi.

On envoie où les livres ? Chez mon libraire partenaire :

Librairie Henri IV

Collecte Sarah

15 boulevard Henri IV

75004

Paris

Revenons en a la maternité…Ta plus grosse remise en question de maman ? Je ne pensais pas douter à ce point de tout mais c’est pourtant le cas… J’ai allaité ma fille et son sevrage a été un cauchemar, je m’en suis terriblement voulu. Elle se réveille très très tôt, TOUS les jours et là encore, je me dis que c’est de ma faute. J’ai toujours eu des problèmes d’excédents de poids et elle ne mange pas beaucoup alors j’ai peur de lui avoir transmis mes angoisses inconsciemment… Bref, absolument tout est bon pour culpabiliser !

La fois où tu as eu envie de brader ton enfant pour partir sur une île avec Bradley Cooper ? Je vais vous avouer l’inavouable mais chaque fois qu’elle crie pour commencer sa journée à 4h32 le matin, que RIEN ne la rendort, je rêve de surdité…

Tu lis quoi le soir comme histoire ? En ce moment on est en pleine période Tchoupi, Simon et les aventures d’Archibald (Mon amour, Papa m’a dit etc) qu’elle aime beaucoup. Mais l’histoire qu’elle préfère, c’est quand je lui raconte sa naissance… Je passe beaucoup de temps à lui décrire comment elle a grandi dans mon ventre, les petits coups qu’elle donnait pour communiquer et le moment où elle a voulu nous rencontrer en vrai son père et moi… Elle adore !

Et la berceuse, c’est laquelle ? Ma -mère me chantait toujours une vieille berceuse yiddish. Quand j’étais enceinte, j’ai voulu écrire des nouvelles paroles sur cet air, que ce soit rien que pour elle et moi tout en englobant un héritage, qu’elle reconnaisse aussi cette chanson comme un signe entre nous, établi depuis toujours. Et ça marche !

Que souhaites tu transmettre à tes enfants ? J’aimerais que ma fille sache être douce malgré la dureté du monde, qu’elle puisse être libre, qu’elle arrive à croire en elle. Qu’elle devienne ce qu’elle est avec le moins de peur et culpabilité possible.

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